Cory Henry & The Funk Apostles
Concert du 4 juillet 2018. Jazz à Vienne
Crayon noir & Posca sur Kraft.
« Nous sommes en mission pour le Seigneur », disent les Blues Brothers dans le film du même nom. Réplique désopilante dans la bouche de ces incorrigibles Pieds Nickelés. Drôle de mission, drôles d’apôtres qui utilisent tous les moyens possibles pour parvenir à leur fin : reconstituer un groupe pour un concert de charité. Cette mission, si vous l’acceptez… De toute évidence, il ne fallait qu’un prétexte, et le moyen est bien ici le véritable objectif et l’objectif le véritable Seigneur: la Musique. Bien sûr, on peut considérer l’apôtre sous deux angles différents. Prêt à tout pour faire triompher une cause, il s’apparenterait au fanatique. Mais quand il donne ce qu’il est pour porter la bonne nouvelle, c’est le saint qu’on admire. La nuance? L’amour des autres et le partage. De toute évidence, c’est bien l’objectif que se sont donné Cory Henry et ses Funk Apostles.
Je dois être honnête, j’attendais cette soirée avec impatience, plus pour son charismatique leader que pour son programme. Fan inconditionnel de la musique orchestrale des Snarky Puppy dans laquelle les claviers de Cory Henry font merveille, j’ai signé les yeux fermés pour ce concert. Mais si chaque apôtre a son charisme - et je savais son sidérant jeu d’organiste - je ne connaissais pas son talent de preacher. J’aurais dû m’en douter, tant l’orgue Hammon - dont il est l’un des plus grands et inventifs spécialistes - est lié au gospel et à la musique d’église. Cory Henry possède l’enthousiasme communicatif des grands orateurs, et une technique très sûre de ménagement de ses effets. A la voix comme aux claviers, il laisse s’installer le discours; il faut raconter une histoire. Que se passe-t-il pendant ses silences? De la musique. Un matériau groovy et planant, une rythmique de ronronnante machine, un mantra enivrant porté par ses apôtres, une onde féline qui invite à la danse. D’autres vous assèneraient leur cause à grands coups de décibels. Aucun fanatisme chez lui : la danse vient en amoureuse, une invitation au câlin gratuit, à l’exact opposé de toute concupiscence. Alors la joie monte en douceur, bercée par ce souple galop. Je la sens enfler dans mon dos tandis que je dessine, partagée par le public. La structure du crash-barrière ondule comme un gros chat. Et sur cette mystique sensualité, le phrasé du preacher s’envole, virevolte, grimpe irrésistiblement, porté par l’énergie du groove. Douce magie et libre transe. Doux apôtre au sourire de ravi!
« Je suis en mission pour le Seigneur ».
Une mission profane… vraiment?