Gaël Rakotondrabe, Hugh Coltman, Christophe Mink, Thomas Naim & Raphaël Chassin
Hoax, c’est le mot que l’on utilise dans notre monde hyper connecté pour désigner le canular qui circule sur le net, fausse-vraie info relayée en un éclair par les réseaux sociaux où celui qui crie le plus fort a forcément raison. Il semblerait que ce mot anglais soit apparu à la fin du XVIIIe siècle, une contraction du verbe hocus qui signifie « tricher », « embrouiller », en relation avec l’incantation hocus pocus, sorte d’abracadabra destiné à distraire le spectateur pendant la réalisation d’un tour. The Hoax c’est aussi le nom du groupe de rock blues que Hugh Coltman forme en 1991 aux côtés de Jesse et Robin Davey, Jon Amor et Mark Barrett. Une saine autodérision.
L’autodérision nous rend humains, elle gomme les artifices et brise les glaces, décape nos masques et ouvre les cœurs. Elle s’affiche comme une seconde peau sur le visage de crooner de Hugh Coltman, façonné par le jeu d’expressions qui fait beaucoup de son charme. Il se lit sur le visage de ce faussaire autoproclamé une profonde tendresse, un art de l’empathie, cette capacité de vous prendre au cœur indispensable au « chanteur qui fredonne »*. Il s’identifie en ce sens parfaitement à celui qu’il honore dans son dernier album, Nat King Cole, l’éternel sourire du jazz vocal masculin. Car pour « crouner », il faut sourire, chanter à voix douce, faire parler le grain de sa voix - la caresse a besoin de grain. La voix de Hugh a du grain - une délicieuse rugosité de bluesman - mais elle sait aussi s’envoler, rugir, gémir, proclamer ou chuchoter, tout un monde expressif qui n’est pas sans rappeler l’humanité du grand Jaques. Le répertoire de King Cole s’en trouve agréablement secoué, déglacé comme une poêle après flambage, un nouveau suc qui réveille une viande endormie. Tout à son service, son combo fait merveille; le piano fluide de Gaël Rakotondrabe, la contrebasse souple de Christophe Mink, la batterie sobre de Raphael Chassin et la guitare très bluesy de Thomas Naim, tous concourent à une musique narrative, un brin canaille, à l’image du look dandy-fin-de-soirée que semble affectionner le chanteur. Sur son clip de Smile, le tube de Nat King Cole écrit sur la musique de Chaplin, il est seul dans un bar. Un cadre qui pourrait évoquer une toile de Hooper s’il n’y avait le bruissement de la ville, un papillonnement de visages qui s’éclairent doucement d’un sourire pendant qu’il chante.
« Souris quand ton cœur a mal
Souris même quand tout se brise
Tu vas trouver que la vie en vaut la peine
Si tu souris simplement. »
Le visage du faux-faussaire se creuse, se modèle, miroir sans fard d’un homme habité. Je laisse gambader sans façon mes zygomatiques; tant pis pour mon visage de jeune premier (smiley). Tout à l’heure, la star du soir, Diana Krall, viendra exhiber sa performance de vamp distante. Je sais qu’il n’y aura plus l’émotion de la première fois. Le diable se déguise toujours de perfection. L’humanité, elle, se laisse chiffonner par le sourire.
*c’est le sens du mot crooner.